En ville de Beni, l'association EADEV a organisé une conférence débat sur: "LA PROBLÉMATIQUE DU TRAVAIL DES ENFANTS EN RD.CONGO".
Le
12 juin a été déclarée « Journée
mondiale contre le travail des enfants ». L’Organisation
internationale du Travail (OIT), agence
de l’ONU, a cru nécessaire de consacrer
une journée à cette préoccupation majeure de notre temps. Elle a lancé la
première Journée mondiale contre le travail des enfants en 2002 pour mettre en
lumière la souffrance endurée par des millions d’enfants dans le monde obligés
d’exécuter des travaux souvent éprouvants en violation des normes
internationales garantissant les droits de l’enfant. L’occasion de se pencher
sur ce phénomène qui touche tous les pays du monde, y compris les pays riches.
On
estime à 211 millions le
nombre d’enfants de 5 à 14 ans astreints au travail à travers le monde. A ce
nombre s’ajoutent 141 millions d’adolescents de 15 à 17 ans dit “économiquement actifs”, c’est-à-dire
qu’ils exercent une forme ou une autre d’activité. Plus de 8 millions d’entre
eux se trouvent dans une des « pires
formes de travail des enfants » : enfants soldats, prostitution,
pornographie, travail forcé, trafics et activités illicites.
La
République démocratique du Congo figure parmi les pays les plus touchés par le
phénomène du travail des enfants et enfants soldats, qu’il s’agisse de travaux
domestiques, de travail dans les carrières minières, de prostitution ou d’enfants
soldats. Elle est pourtant dotée d’une législation suffisamment protectrice (loi portant protection des l’enfants),
mais pas assez appliquée. Elle a par ailleurs ratifié les deux principales
conventions internationales traitant des droits de l’enfant et du
travail : La Convention internationale relative
aux droits de l’enfant
de 1989 et la Convention no 138 de l’OIT sur l’âge minimum d’emploi
de 1973.
L’ampleur
du fléau que représente le travail des enfants soulève bien des questions :
Pourquoi les enfants sont-ils obligés de travailler ? Qu’est-ce qui motive
le recours au travail des enfants ? Pourquoi nos sociétés tolèrent-elle ce
fléau ?...
Mais,
avant tout, qu’appelle-t-on « travail
des enfants » ?
I. Notion du travail
des enfants
L’article
2 de la Convention
n° 182 de l’OIT sur les
pires formes de travail des enfants, stipule que «le terme enfant s’applique à l’ensemble des personnes de moins de 18
ans». C’est aussi la définition utilisée dans la Convention des Nations Unies
sur les droits de l’enfant. Mais les études de l’Organisation
internationale du Travail excluent les enfants de moins de 5 ans, même si des
cas de travail en-dessous de 5 ans sont souvent signalés. Ainsi les
statistiques ne prennent en compte que les enfants entre 5 et 17 ans.
La
Convention no 138 de l’OIT sur l’âge minimum d’emploi de 1973 est le document
de référence au sujet de la limite d’âge minimum.
-
un âge minimum général,
-
un âge minimum pour les travaux légers, et
-
un âge pour les travaux dangereux.
Elle
distingue également les « pays où les
services économiques et d’éducation sont insuffisamment développés » et les
autres pays (les pays en voie de
développement). Pour ces derniers, l’âge minimum général est de 15 ans ou l’âge
de fin de scolarisation obligatoire s’il est plus élevé. Pour les travaux
légers, le travail est toléré dès l’âge de 12 ans. En revanche, pour les
travaux dangereux, le travailleur doit être âgé de 18 ans, ce qui exclut le
recours au travail des enfants.
Le
travail est défini comme une « activité
économique », qu’elle soit payée ou non, ce qui permet d’inclure l’économie
informelle ou le travail domestique dans un autre foyer que le sien. Toutes les
tâches exécutées par les enfants ou les adolescents ne sont pas condamnables.
En effet, les enfants sont naturellement amenés à aider leurs parents dans les
tâches quotidiennes à la maison ou dans l’entreprise familiale. En période de
vacances scolaires, ou en dehors des heures de cours, il leur arrive d’aider un
ami de la famille à garder son bébé ou à effectuer de petits rangements, ce qui
leur fait gagner un peu d’argent de poche. Ces tâches, tout à fait légères,
n’empêchant pas les enfants d’aller à l’école, ne rentrent pas dans la catégorie
de « travail des enfants ».
3.
Le travail des enfants
La
notion de « travail des enfants » recouvre trois cas de figure :
-
le travail non dangereux,
-
les travaux dangereux, et
-
les pires formes de travail des enfants.
Le
travail léger et non dangereux doit être sans danger pour la santé
et le développement de l’enfant et ne doit pas l’empêcher de fréquenter
l’école. On admet globalement que ce type de travail est plutôt bénéfique pour
l’enfant et l’aide à prendre conscience de l’importance du travail en tant que
valeur. L’enfant doit toutefois être âgé de 12 ans ou plus, ne travailler que
quelques heures par semaine à des tâches légères. A partir de 15 ans, son
travail ne doit pas être répertorié comme « dangereux ».
Tout travail accompli en dehors de ces prescriptions, même léger, est considéré
comme du «travail des enfants à abolir».
Les
travaux dangereux sont ceux qui peuvent « compromettre la santé ou la sécurité
physique ou morale d’un enfant ». Certains métiers sont particulièrement
concernés. Il s’agit des métiers de la construction, des mines, de
l’agriculture avec utilisation de machines et de produits chimiques, …
Les
« pires formes de travail des enfants » sont, entre autres, le trafic
d'enfants, le travail forcé ou en remboursement d’une dette, la participation
des enfants à des conflits armés (enfants
soldats mais aussi comme messagers, porteurs, etc.), l’exploitation
sexuelle par la prostitution et la pornographie ainsi que les activités
illicites comme le trafic de drogue.
4.
Les conséquences du travail des enfants
Les
enfants astreints au travail s’exposent à une détérioration rapide de leur
santé et voient leur avenir gravement compromis. La plupart des enfants
astreints au travail sont condamnés à l'analphabétisme à vie car ils sont
privés d'école. Ils souffrent de manques affectifs dont ils gardent des
séquelles à vie, certaines débouchant sur des troubles mentaux.
Dans
l’agriculture et l’industrie, le textile, les usines,… ils s’exposent aux
produits chimiques et à la poussière qui intoxiquent gravement leur organisme
encore fragile (infections pulmonaires,
lésion des yeux, maladies de la peau,...)
Dans
l'industrie et l’artisanat, les enfants sont contraints de travailler dans des
conditions insalubres et non conformes à la réglementation sur la sécurité. Ils
risquent des blessures parfois graves et s’exposent aux maladies
professionnelles, ce qui les affecte durement compte tenu de la fragilité de
leur organisme.
Dans
les mines, ils s’exposent aux mêmes risques que les adultes, voire pire, dont
les éboulements souvent meurtriers.
Dans
la construction et les bâtiments, les enfants ont des troubles de croissance et
des déformations résultant du port de charges trop lourdes.
Le
travail domestique fait endurer aux « petits
boys » et aux « petites
bonnes » des horaires et des conditions de travail éprouvantes. Ils
sont en plus l’objet de brimades, de violences physiques et d’agressions
sexuelles, non seulement de la part du « patron »,
mais aussi des autres membres de la famille. Dans de nombreux pays, des
familles aisées et éduquées utilisent sans remords des « bonnes », privées d’école pendant que leurs propres
enfants poursuivent une scolarité normale. Cette pratique, en plus du dommage
irréparable qu’elle fait subir à l’enfant corvéable influe négativement sur
l’éducation des autres enfants qui intègrent la culture de l’inégalité de
traitement fondée sur les origines sociales.
Plus
généralement, les enfants astreints au travail et qui se retrouvent dans le
monde des adultes, loin de la protection de leurs parents, sont victimes de
traitements arbitraires et de violences qui peuvent aller jusqu’à l’atteinte au
droit à la vie.
Dans
les pires formes du travail des enfants, des millions d’enfants dans le monde,
en particulier de petites filles, sont carrément livrés au travail du sexe (prostitution, pornographie) et doivent
endurer les violences inhérentes à cette activité (viols, agressions dans les rues, bagarres,…) auxquelles s’ajoutent
les dépravations (alcoolisme, drogue,
délinquance) et les ravages des maladies sexuellement transmissibles (IST,SIDA).
Toujours dans le cadre des pires formes du travail des enfants, l’utilisation
des enfants dans les conflits armés les expose à de graves risques de blessure,
de mort, de mutilation et culture de tuerie. Leur utilisation massive dans les
conflits généralement armés peut entraîner de
graves déstructurations des communautés entières, la perpétuation des haines et
des antagonismes inter-communautaires. En
effet, les enfants soldats, même démobilisés, restent pour longtemps à la fois
témoins, auteurs et coupables d’exactions dans lesquelles ils ont été
impliqués, et vivent avec la hantise que
ces violences se reproduisent un jour de leur vivant.(ils
ont parfois une sérieuse difficulté de recadrer la construction de leur avenir,
d’où la conséquence parfois d’une enfance ratée avec des séquelles aussi
irréversibles pour engendrer des adultes problématique…
II.
Ce qui amène les enfants à devoir travailler
Si
la pauvreté est aujourd’hui retenue comme « cause
déterminante » du travail des enfants, d’autres causes doivent
également être soulignées.
1.
La pauvreté, cause principale
Dans
les pays ou les communautés accablées par le chômage et la pauvreté, le travail
des enfants fait partie des stratégies de survie. Les parents au chômage ou,
plus généralement au revenu modeste, ne peuvent pas faire face aux besoins de
base de la famille. Chaque membre de la famille étant une bouche à nourrir,
tout le monde est incité à ramener de quoi manger. Les enfants devenant souvent
des contributeurs décisifs, en exerçant des activités parfois inavouables,
l’autorité des parents se délitent et la dérive du travail des enfants, dans la
famille, atteint rapidement le point de non-retour. Le revenu du travail des
enfants étant, de toute façon modeste, il ne permet d’assurer que le minimum
vital. Ainsi les familles, voire des communautés entières, se retrouvent
piégées dans la spirale de la pauvreté, de la survie au strict minimum et de la
perpétuation du travail des enfants.
La
pauvreté, facteur déterminant du travail des enfants, devient également la
conséquence du travail des enfants. En effet, les enfants travailleurs étant
généralement issus de familles pauvres, le fait qu’ils soient empêchés
d’acquérir une éducation les condamne à la pauvreté. Ainsi la pauvreté passe
d’une génération à l’autre. Un cercle vicieux qui condamne les familles et des
communautés entières à la pauvreté de génération en génération.
2.
La problématique de séparation des parents dans des ménages :
Les séparations des parents de manière illégale, ne garantissant pas
la garde des enfants, entraine actuellement un phénomène épouvantable des
enfants de la rue. Ces enfants abandonnés à leur sort, se retrouvent dans une
obligation d’exécuter toute sorte de travail quelque soit sa forme pour
assouvir à leur besoin, surtout alimentaire. D’où on constate les enfants qui
passent toutes leur journées ou nuits dans les rues, aux arrêts de transport,
dans des ports ainsi que dans les marchés, comme transporteurs des colis,
pousses pousseurs, ct…
- Absence de scolarisation
décente
L’absence
d’éducation accessible pour les enfants pose différents problèmes. Les parents
ont du mal à envoyer leurs enfants à l’école s’ils doivent payer. Si les
parents ne peuvent pas assumer les frais scolaire, les enfants restent à
l’écart de l’école et finissent souvent par travailler pour la famille ou
ailleurs.
- Absence
de contrôles et de syndicats
Le
travail des enfants est beaucoup moins répandu dans les grandes entreprises. Il
domine dans les petites entreprises et dans l’économie informelle. Les
inspecteurs du travail visitent rarement de tels lieux et il y a peu
d’implication de la part des syndicats. Le travail des enfants peut ainsi se
développer durablement dans de telles conditions.
La
valeur attribuée à l'éducation par rapport à l'apprentissage ou au travail
n'est pas la même selon les cultures : la
« culture de l'école » a mis plus d'un siècle à s'implanter durablement en
Europe et elle ne semble toujours pas acquise dans de nombreux pays en
développement où de nombreux parents ne sont pas allés à l'école. Le travail
des enfants, loin d'être vu comme un «
fléau », y est valorisé car il permet souvent l'apprentissage tandis que le
système éducatif ne mène pas forcément à un bon emploi. La perception qu'en ont les enfants est aussi
variable : certains souffrent de leur condition tandis que d’autres ressentent
la fierté d'aider leur famille ou d'apprendre un métier. Le faible taux de scolarisation
des filles provient souvent du préjugé selon lequel les filles sont destinées à
être mariées. Leur éducation serait une perte de temps et d'argent.
- Faiblesse de la scolarisation
et des politiques sociales
De
même que la scolarisation obligatoire a été un facteur important d'abandon du
travail des enfants en Occident, les faibles taux des pays en développement et
notamment de l'Afrique sub-saharienne empêchent ce phénomène de reculer. Ainsi,
même lorsqu'un enfant est inscrit à l'école, il n’est pas assuré de mener sa
scolarité à terme. Seul un enfant sur trois termine son cycle primaire dans le
monde.
Des
politiques publiques axées sur le progrès social permettent de faire progresser
la scolarisation des enfants et de faire reculer le travail des enfants. On
doit donc imputer l’échec de l’éducation aux budgets insuffisants alloués par
l’Etat. La France est parmi les pays modèles puisqu’elle consacre autour de 1/5ème
de son budget à l’éducation, alors que de nombreux pays en voie de développement,
dont la RDC, pourtant en retard en la matière, consacrent difficilement 10% de
leur modeste budget à l’enseignement. La corruption, le poids de la dette et la
faiblesse des recettes ne permettent pas d'accroître ce budget. A cela
s’ajoutent les conditions de travail dans l’enseignement. L'Internationale de
l’éducation estime que 70 % des enseignants dans le monde sont pauvres. Ils
doivent recourir à un travail supplémentaire pour couvrir leurs besoins.
- Santé et protection sociale
L’état
de santé des soutiens de famille et l’absence de protection sociale adéquate
peuvent avoir une influence importante sur la décision d’envoyer ou non un
enfant au travail. Si les parents sont malades, les enfants sont contraints de
devenir des soutiens de famille. Le décès d’un ou des deux parents peut avoir
le même effet.
La
pandémie VIH/SIDA en Afrique sub-saharienne a eu des effets dramatiques sur le
phénomène du travail des enfants. En 1990, on dénombrait un demi-million
d’orphelins du SIDA mais en 2003, les chiffres dépassent les 12 millions. On
assiste à une augmentation du nombre de foyers ayant à leur tête un enfant dont
les parents sont morts du VIH/SIDA et où le réseau familial est incapable de
faire face au nombre d’orphelins.
La
discrimination en matière de sexe, de race, d’origine sociale, de caste,
d’ethnie ou autre a constitué un autre facteur conduisant à la persistance du
travail des enfants de par le monde. Certaines minorités ethniques victimes de
discriminations massives ne peuvent envoyer leurs enfants dans les
établissements scolaires.
III.
Ce qui motive le recours au travail des enfants
- Un faible coût de la main-d’œuvre. Les enfants travailleurs constituent un réservoir de main d’œuvre bon marché. Trop souvent, ils se contentent d’une rémunération dérisoire. Ils entretiennent avec leurs employeurs une relation « enfant – adulte », voire « père – fils » « mère – fille », ce qui exclue la possibilité d’exercer une quelconque revendication. Ils sont souvent sensibles à l’argument selon lequel leur travail ne compte pas, qu’ils seraient en réalité bénéficiaires en termes d’expérience professionnel et qu’ils devraient se contenter du peu que le « patron » juge bon de donner. Les abus peuvent aller jusqu’aux simples repas en échange du travail, voire carrément rien.
- Le vieil argument du patronat. Le patronat du XIXe siècle suggérait que la petite taille des enfants leur permettait d’accomplir des tâches trop difficiles aux adultes, une idée encore répandue de nos jours. Il estimait que certaines tâches, certaines positions ou certains outils ne peuvent être adaptés aux adultes et doivent nécessiter le recours à la main-d’œuvre infantile. Au-delà de l’argument économique, l'emploi d'enfants était considéré comme un facteur de « paix sociale » et leur évitait de tomber dans la délinquance. Cette dernière idée a été battue en brèche par la montée de la scolarisation et par le fait que la délinquance est elle-même liée au monde du travail : des activités illicites comme le trafic de drogue, le proxénétisme ou le vol sont souvent organisés, avec une relation employeur-employé.
- La discipline. Le principal problème auquel sont confrontées les armées régulières et irrégulières en temps de conflit est la discipline. Le recours aux enfants soldats permet de prévenir, en partie, les problèmes de discipline et de revendications des troupes engagées dans les conflits. Les recruteurs considèrent que les enfants-soldats sont « impressionnables, sensibles à l’autorité, moins portés à déserter ou à réclamer leur solde que des adultes ». Actuellement, il y aurait environ 300.000 enfants soldats dans le monde, impliqués dans une trentaine de conflits notamment en République démocratique du Congo.
IV.
Lutter contre le travail des enfants
Pour
être efficace, la lutte contre le travail des enfants a impérativement besoin
d’une prise de conscience collective. Que tout le monde se rende compte que le
travail infligé aux enfants les détruit et détruit « le peuple de demain ». En
France, lorsque les autorités chargent le Dr Villermé, père de la médecine du
travail, d’élaborer un rapport sur l’état de santé des ouvriers (dont des enfants), le pays fait face à
un grave problème. En effet, au début du XIXe siècle, des enfants de 5
ans travaillaient couramment 15 à 16 heures par jour. A l’âge de la
conscription, plus de 2/3 des jeunes, abimés par le travail, étaient déclarés
inaptes. La France, alors confrontée aux risques de guerre, risquait de manquer
de soldats.
Si en France, la prise de conscience s’imposa par rapport aux
enjeux militaires, il s’agissait, d’une manière générale, de la survie de la
nation. Le même réflexe de survie d’une communauté, à moyen et à long terme,
peut motiver une prise de conscience susceptible de faciliter l’éradication du
travail des enfants et leur scolarisation soutenue. Reste à savoir comment s’y
prendre.
D’une manière générale, les révélations médiatisées permettent
de faire prendre conscience du fléau. Les ONG prennent le relai. Grâce à elles
les grandes entreprises se dotent de «
charte éthique » et autres codes de bonnes pratiques et s’interdisent de
traiter avec des entreprises qui utilisent le travail des enfants. Par
ailleurs, la « consommation citoyenne »
permet de s’assurer que le produit acheté a été fabriqué dans des conditions
respectueuses de droits des travailleurs et des enfants. Le boycott des
consommateurs permet de faire pression sur les entreprises. Ces actions ont
toutefois leurs limites et peuvent générer des drames inattendus. L'exemple le
plus connu est celui du Bangladesh en 1992. Le projet de loi du sénateur
américain Harkin d'interdire l'importation de marchandises fabriquées par des
enfants a entraîné le licenciement de près de 50.000 enfants dans le pays où
100.000 enfants travaillaient dans l'industrie textile. Ces enfants,
brutalement privés de travail, ont basculé dans d’autres activités illicites parmi
lesquelles la prostitution.
Sur le plan international, en plus de diverses conventions
consacrant les mécanismes de protection des enfants, l'OIT a mis sur pied, en
1992, le programme IPEC (International Programme
on the Elimination of Child Labour, « Programme international pour l'abolition
du travail des enfants »). Ce programme vise, en priorité, les pires formes
de travail des enfants, celui des filles et des moins de 12 ans. Dans son
rapport de 2006, l'IPEC estime que « les
efforts engagés un peu partout dans le monde pour combattre ce fléau ont donné
d’importants résultats », mais qu'une importante mobilisation reste
nécessaire.
Au niveau des ONG, et les
sociétés civiles le débat porte sur l’« abolition ».
L'abolition se heurte à plusieurs obstacles notamment l'ampleur du fléau
que quelques actions médiatisées ne suffisent pas à faire reculer. Par
ailleurs, la corruption et les inerties politiques rendent la lutte contre le
travail des enfants particulièrement laborieuse. Malgré l’engagement des Etats
à assurer l’application de la loi, tous les acteurs du domaine s'accordent sur
le fait que seule une lutte efficace contre la pauvreté permet d’obtenir
des résultats significatifs.
Les
« abolitionnistes » prônent
une interdiction complète du travail des enfants, ceux-ci devant être
scolarisés. Elle passerait par un durcissement des lois, la répression des
employeurs et un développement des politiques d'éducation. Les « non-abolitionnistes », quant
à eux, dont de nombreuses ONG de terrain estiment que l'abolition est une
utopie à court et moyen terme. Ils proposent plutôt d'encadrer le travail des
enfants pour supprimer l'exploitation et permettre un minimum de scolarisation
en même temps.
L'UNICEF, quant à elle, propose six mesures
pour éliminer le travail des enfants :
-
L'élimination immédiate de l'emploi des enfants à des tâches dangereuses.
-
L'organisation d'un enseignement gratuit et obligatoire. Dans les pays riches, autrefois confrontés au fléau du travail des
enfants, c’est l’instauration de l’enseignement gratuit et obligatoire qui a
permis d’éliminer le travail des enfants.
-
L'élargissement de la protection légale des enfants
-
L'enregistrement de tous les enfants à leur naissance, de manière à pouvoir
déterminer leur âge. En République Démocratique du Congo, seuls 31 % des naissances sont enregistrées. La majorité des enfants
congolais n’ont alors pas d’identité officielle, ni de nationalité.
Cette absence d’identité juridique amplifie le phénomène d’enfants soldats qui,
sans famille, se retrouvent désespérément sans aucun droit.
-
Une collecte et un contrôle adéquats des données (de manière à connaître avec exactitude l'ampleur du travail des
enfants)
-
L'établissement de codes de conduite.
Dans
les pays pauvres ne disposant pas d’assez de moyens pour garantir
l’enseignement gratuit et obligatoire, d’intéressantes initiatives ont permis
d’obtenir des résultats encourageants. La fourniture régulière de repas
gratuits dans les écoles a permis d’améliorer le taux de fréquentation
scolaire, ce qui permet, mécaniquement, de mettre les enfants concernés à
l’abri du travail.
Cet article a été proposé par Boniface Musavuli, activiste des droits humains et membre de l'association EADEV-DRC